Donner en fin d’année, ce n’est pas “faire un cadeau de plus”. C’est souvent le moment où l’on prend une décision patrimoniale : aider un enfant, rééquilibrer entre frères et sœurs, anticiper une succession, ou tout simplement transmettre une partie de ce que l’on a construit.
Et si beaucoup de transmissions peuvent se faire à tout moment, la période novembre–décembre a une particularité : elle vous pousse à clarifier vos intentions, à formaliser ce qui doit l’être, et à sécuriser ce qui, sinon, resterait implicite (et parfois contestable plus tard).
Cet article est informatif et général. Il ne constitue pas un conseil juridique, fiscal ou financier personnalisé. Pour une stratégie adaptée à votre situation (régime matrimonial, enfants, patrimoine, projets), prenez rendez-vous pour une étude patrimoniale.
Pourquoi la fin d’année est un bon moment pour transmettre
1) Vous évitez les décisions “dans l’urgence”… au mauvais moment
Beaucoup de familles transmettent “quand il faut”, c’est-à-dire :
- lorsqu’un enfant a besoin de fonds rapidement,
- lorsqu’un parent vieillit et que l’on s’inquiète,
- ou lorsqu’un événement de santé survient.
Le problème, c’est que l’urgence est rarement compatible avec la sérénité : on documente mal, on choisit une solution par défaut, on sous-estime l’impact sur les autres héritiers, et on se retrouve avec une transmission fiscalement sous-optimale ou source de tensions.
La fin d’année est une fenêtre utile pour poser un cadre : quoi transmettre, à qui, sous quelle forme, et avec quelles règles.
Vous envisagez d’aider un enfant ou de rééquilibrer une transmission avant le 31 décembre ? Prenez rendez-vous pour un audit.
2) Vous profitez mieux des “enveloppes” d’abattements… en les pilotant
En France, les donations bénéficient d’abattements (des montants transmis sans droits) qui se renouvelent avec le temps : l’enjeu n’est pas seulement “combien je donne”, mais comment je planifie.
Par exemple, l’abattement parent → enfant de 100 000 € est un repère central, applicable sous conditions, et utilisable en une ou plusieurs fois sur une période donnée. Cela signifie qu’une donation “bien pensée” peut être le premier jalon d’un plan de transmission, plutôt qu’un geste isolé.
3) Vous réduisez le risque de conflit familial
Un don d’argent fait à un enfant “pour l’aider” peut être vécu par un autre enfant comme une avance cachée, une préférence, ou une inégalité.
La clé n’est pas de “ne pas aider”. La clé est de choisir le bon outil (donation simple, donation-partage, clause, traçabilité) et de rendre la transmission intelligible.
Les règles à connaître avant d’agir
Abattements : ce qui peut être transmis sans droits (repères utiles)
Les règles exactes dépendent du lien de parenté et de votre historique de donations. Mais on peut retenir des bases solides :
- Parent → enfant : abattement de 100 000 €
- Grand-parent → petit-enfant : abattement de 31 865 €
- Don familial de somme d’argent (article 790 G) : exonération jusqu’à 31 865 € sous conditions d’âge et de lien
Important : ces mécanismes peuvent se cumuler dans certains cas (notamment l’exonération 790 G avec les abattements “classiques”), ce qui explique pourquoi, pour certaines familles, la transmission d’argent peut être optimisée sans droits… à condition de respecter les règles
Le rappel fiscal sur 15 ans : le point que beaucoup oublient
Lorsque vous faites une donation, l’administration tient compte des donations antérieures sur une durée de référence. Des sources institutionnelles et notariales rappellent que le rappel fiscal porte sur 15 ans.
Concrètement :
- si vous avez déjà donné à un enfant il y a quelques années, cela peut réduire l’abattement restant aujourd’hui ;
- et la date d’enregistrement/déclaration joue un rôle dans le calcul du délai
Barème des droits : si vous dépassez, vous entrez dans une logique de tranches
Au-delà des abattements, les droits se calculent par tranches selon le lien de parenté. Le barème en ligne directe est fixé par le CGI (article 777) Légifrance.
Vous n’avez pas besoin de connaître toutes les tranches par cœur, mais vous devez savoir ceci : mal calibrer le montant ou mal choisir l’outil peut faire “basculer” une donation dans une zone taxable.
5 solutions de transmission (du plus simple au plus structurant)
Tableau comparatif (choisir l’outil adapté)
| Solution | Idéal pour | Avantages | Points de vigilance | Formalités |
|---|---|---|---|---|
| Présent d’usage | Cadeau de Noël / événement (montant “raisonnable”) | Souplesse, généralement non taxé si modique | Appréciation au cas par cas (proportion au patrimoine/revenus), risque de requalification si excessif | Pas d’acte notarié ; garder des preuves |
| Don familial de somme d’argent (790 G) | Aider un enfant majeur avec de la trésorerie | Exonération jusqu’à 31 865 € sous conditions | Donateur < 80 ans, donataire majeur/émancipé ; plafond par donateur/donataire | Déclaration (enregistrement/online) |
| Don manuel / donation d’argent “classique” | Transmettre de l’argent ou des biens meubles/titres | Simple, adaptable | Déclaration indispensable ; traçabilité ; impact du rappel fiscal 15 ans | Formulaire / service en ligne ; Cerfa 2735 selon cas |
| Donation-partage | Répartir équitablement, éviter conflits | Organise et “fige” la répartition ; utile en familles recomposées | Acte notarié ; réflexion sur l’équité, les charges, l’usufruit | Notaire requis |
| Démembrement (nue-propriété/usufruit) | Transmettre un bien sans se déposséder totalement | Anticipe, peut réduire la base taxable selon cas | Technique : clauses, durée, financement, équilibre entre héritiers | Souvent notaire + conseil |
1) Le présent d’usage : le “cadeau” qui reste un cadeau
À Noël, beaucoup de parents ou grands-parents veulent aider : apport pour un achat, travaux, lancement d’activité, etc. La tentation est de dire : “c’est un cadeau”.
Le présent d’usage est justement cette notion : un cadeau fait à l’occasion d’un événement (Noël, anniversaire, mariage), conforme à l’usage, et d’une valeur non excessive. La jurisprudence rappelle l’importance du critère de proportionnalité au regard de la situation du donateur.
Ce que vous devez retenir :
- il n’existe pas de “plafond officiel universel” : c’est au cas par cas ;
- le risque, si le montant est trop élevé, est la requalification en donation (avec conséquences fiscales et successorales potentielles).
Bon réflexe fin d’année : si vous aidez “fort” (ex. apport immobilier significatif), assumez que ce n’est pas un simple cadeau. Vous serez mieux protégé avec une donation structurée.
2) Le don familial de somme d’argent (31 865 €) : l’outil simple et encadré
Le dispositif de l’article 790 G du CGI permet, sous conditions, une exonération jusqu’à 31 865 € pour un don familial de somme d’argent Légifrance+1.
Conditions clés (à la date du don) :
- le donateur a moins de 80 ans ;
- le bénéficiaire a au moins 18 ans (ou est émancipé)
Pourquoi c’est particulièrement pertinent en fin d’année :
- vous pouvez aider rapidement (études, installation, travaux, apport),
- tout en restant dans un cadre fiscal clair,
- et en cumulant, selon les situations, avec d’autres abattements.
Vous voulez savoir combien vous pouvez donner sans droits (et ce qu’il vous reste d’abattements) ? Prenez rendez-vous : on cartographie vos donations passées, vos objectifs, et le meilleur montage.
3) Don manuel / donation “classique” : simple, mais à déclarer proprement
Un don manuel (argent, titres, objets de valeur) est fréquent. Le risque n’est pas le geste, c’est le “flou” :
- absence de preuve,
- absence de déclaration,
- et donc complications en cas de contrôle ou de succession.
Déclaration : une tendance nette à la dématérialisation
L’administration fiscale précise qu’à compter du 1er janvier 2026, les dons manuels et dons de sommes d’argent reçus devront être déclarés obligatoirement en ligne, sauf exceptions impots.gouv.fr+1.
Cela renforce un principe de bon sens : documenter maintenant (virement identifiable, libellé clair, justificatifs) et déclarer dans les formes.
Repères utiles :
- Le formulaire 2735 est l’un des formulaires de référence pour déclarer dons manuels et sommes d’argent impots.gouv.fr.
- Impots.gouv rappelle également l’importance de la date d’enregistrement (notamment pour le délai de 15 ans)
4) La donation-partage : l’outil “paix familiale”
Si vous avez plusieurs enfants, ou une famille recomposée, la question n’est pas seulement “combien donner”, mais comment répartir sans ambiguïté.
La donation-partage permet de donner et de répartir de votre vivant, via un acte notarié. C’est un outil puissant pour :
- éviter que les enfants “refassent les comptes” au décès,
- clarifier les choses quand un enfant a reçu plus tôt une aide importante,
- intégrer des petits-enfants dans certains schémas (donation-partage transgénérationnelle, selon cas).
Fin d’année : quand y penser ?
- Si vous sentez que “le sujet” va devenir sensible.
- Si vous aidez un enfant de façon significative (apport, rachat de parts, etc.).
- Si vous voulez éviter un conflit futur plus coûteux que n’importe quel acte notarié.
5) Le démembrement : transmettre sans se déposséder (quand il y a un bien)
Beaucoup de patrimoines sont immobiliers. Or, donner un bien en pleine propriété peut être psychologiquement difficile (“je perds la main”), ou financièrement maladroit.
Le démembrement (donation de nue-propriété avec conservation de l’usufruit) est une approche fréquente pour :
- transmettre progressivement,
- conserver l’usage ou les revenus,
- organiser la transition.
C’est plus technique (clauses, évaluation, équilibre entre héritiers), donc typiquement à arbitrer avec un notaire et un conseil patrimonial.
Spécial fin d’année : l’exonération 2025–2026 pour aider à acheter / rénover un logement
Depuis la loi de finances du 14 février 2025, un dispositif temporaire prévoit une exonération de droits pour certains dons d’argent familiaux destinés :
- à l’acquisition d’un logement neuf (ou en VEFA),
- ou à des travaux de rénovation énergétique éligibles (type MaPrimeRénov’) dans la résidence principale du bénéficiaire Service Public.
Conditions et plafonds (à connaître précisément)
- applicable aux dons effectués depuis le 15 février 2025 Service Public
- l’argent doit être utilisé au plus tard le dernier jour du 6e mois suivant le versement
- plafond : 100 000 € par donateur
- plafond global : 300 000 € par bénéficiaire pour le projet
- dispositif applicable jusqu’au 31 décembre 2026
Pourquoi c’est “spécial fin d’année” ?
Parce que si vous faites un don en décembre, le délai de 6 mois vous impose une exécution réelle du projet. C’est excellent si le projet est mûr, risqué si le projet est vague.
Quand ce dispositif est pertinent :
- un enfant a un achat neuf en cours (promesse/VEFA),
- ou des travaux énergétiques déjà planifiés,
- et vous voulez aider massivement, sans basculer immédiatement sur une donation taxable.
Quand il vaut mieux éviter :
- si le projet est incertain,
- si les délais administratifs rendent impossible l’utilisation dans les 6 mois,
- ou si vous avez besoin d’un montage plus global (équité entre enfants, démembrement, etc.).
Mode d’emploi : s’organiser avant le 31 décembre (checklist)
L’objectif n’est pas de “signer coûte que coûte avant le 31”. L’objectif est de faire juste, traçable et cohérent.
Checklist fin d’année (simple et efficace)
- Clarifier l’objectif
- aide ponctuelle ? avance sur héritage ? rééquilibrage ? financement immobilier ?
- Lister l’historique
- donations antérieures (au moins sur 15 ans)
- Choisir l’outil
- présent d’usage / 790 G / don manuel / donation-partage / démembrement
- Organiser la preuve
- virement identifiable, libellé, documents, éventuel écrit familial
- Déclarer / enregistrer correctement
- selon le cas : service en ligne / formulaire dédié ; trajectoire vers l’obligation en ligne au 01/01/2026
- Anticiper la capacité des acteurs
- fin d’année = agendas serrés (notaires, banques, familles). Mieux vaut un plan clair qu’un “cadeau” improvisé.
Les pièges à éviter (ceux qui coûtent cher)
Piège n°1 : croire qu’un “cadeau important” restera un présent d’usage
Dès que les montants deviennent significatifs, le risque de requalification augmente, car la notion dépend de la proportion au patrimoine/revenus.
En clair : si c’est “trop gros pour être un cadeau”, sécurisez.
Piège n°2 : oublier l’effet du rappel fiscal sur 15 ans
Une donation en apparence “sans droits” peut devenir partiellement taxable si vos abattements ont déjà été consommés récemment. Les notaires rappellent le principe de rappel des donations de moins de 15 ans.
Piège n°3 : aider un enfant… et créer une bombe à retardement
Sans donation-partage ou sans clarification, une aide massive peut devenir un sujet explosif au décès. Si votre objectif est aussi la paix familiale, la solution n’est pas “ne pas donner”, c’est donner avec la bonne architecture.
À retenir
- En fin d’année, transmettre est pertinent si vous le faites avec méthode : objectif clair, outil adapté, preuve et déclaration.
- Les repères structurants : abattement parent-enfant (100 000 €), don familial 790 G (31 865 €), et rappel fiscal sur 15 ans.
- Le présent d’usage peut fonctionner à Noël, mais seulement si c’est proportionné.
- Le dispositif temporaire 2025–2026 peut être très efficace pour un projet immobilier neuf / rénovation énergétique, avec plafonds et délai d’utilisation strict.
- Si vous cherchez à éviter les conflits : donation-partage et montages notariés sont souvent les meilleurs alliés.
Peut-on faire une donation “de Noël” sans payer d’impôt ?
Oui si vous restez dans un cadre exonéré (présent d’usage proportionné, abattements, don familial 790 G). Au-delà, des droits peuvent s’appliquer.
Combien puis-je donner à mon enfant sans droits ?
Un repère clé est l’abattement 100 000 € par parent et par enfant, auquel peut s’ajouter, sous conditions, le don familial 31 865 € (790 G).
Qu’est-ce que le “rappel fiscal sur 15 ans” ?
Les donations de moins de 15 ans sont prises en compte dans certaines transmissions et pour le calcul des abattements/droits.
Dois-je obligatoirement passer chez le notaire ?
Pas toujours (don manuel/don d’argent), mais le notaire est requis pour certains actes (ex. donation-partage). Et il est souvent conseillé dès qu’il y a immobilier, démembrement, ou enjeux d’équité.
Comment déclarer un don d’argent ?
Selon les cas : service en ligne/ formulaire. L’administration précise qu’à partir du 1er janvier 2026, la déclaration en ligne devient obligatoire sauf exceptions. Le formulaire 2735 reste une référence pour certains dons.
Le don familial 31 865 € : quelles conditions d’âge ?
Donateur < 80 ans, bénéficiaire majeur/émancipé au jour du don.
Existe-t-il une exonération spéciale pour aider à acheter un logement ?
Oui, un dispositif temporaire 2025–2026 exonère certains dons d’argent familiaux pour achat neuf/VEFA ou rénovation énergétique, avec plafonds (100 000 € par donateur, 300 000 € total) et délai d’utilisation (6 mois).
Donation simple ou donation-partage : que choisir ?
La donation-partage sert surtout à organiser la répartition et limiter les conflits futurs. La donation simple est plus directe, mais peut laisser des ambiguïtés si plusieurs héritiers sont concernés.




